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AGE ♣ 25 ans. DATE & LIEU DE NAISSANCE ♣ Paisley, 14 novembre. ORIGINES ♣ Anglaises ÉTUDES/EMPLOI ♣ Pigiste. GROUPE ♣ Spiral Static

« Je dois partir. Je ne suis pas sûr de revenir. Je pense qu’il vaut mieux en rester là… Mais je t’aime. » Je raccroche le téléphone d’un geste lent, mécanique, sans laisser de quelconque temps de réponse. J’ai déjà mis toutes mes émotions de côté, loin, loin en moi, juste assez loin pour ne plus les ressentir. Je me hais déjà de ce que je m’apprête à faire, mais certaines choses sont écrites, on ne peut pas passer à côté. Je caresse du regard la grande pièce, pleine de meubles, que je vais laisser derrière moi. Cet appartement dans lequel j’ai passé les meilleurs moments de ma vie. Je ne l’ai pas vendu, il m’attendra, même si je suis certain de ne pas revenir. Pas tout de suite, en tout cas, et pas comme ça.
Mon sac est posé à mes pieds, et je sens mon portable vibrer contre le bois de la table basse. J’ignore l’appel, le retourne pour ôter la carte sim, que j’envoie valser un peu plus loin. J’attrape le verre posé sur la table, le bois d’une traite, ce qui m’arrache une grimace dégoutée.
C’est terminé, il faut partir maintenant. Dehors, le klaxon d’une vieille voiture retentit. Je me lève dans un soupir, attrape mon sac, et sors machinalement, grimpant à la hâte dans la voiture pour éviter la pluie qui tombe à grosses gouttes. « Je te déteste, tu es au courant ? » Elle hoche la tête, se mord la lèvre, au bord des larmes. « Allons-y. » Elle démarre la voiture, qui avale la route sans regarder en arrière.

« Nan Maman… Sérieusement, je préfèrerai vraiment que tu ne passes pas ce soir pour me parler des produits toxics contenus dans l’essence… » J’ai soupiré en secouant la tête, tentant de regarder mon pote avec un sourire mi-amusé, mi d’excuse, mais il ne sembla pas du tout positif. « Je suis avec quelqu’un… Non, pas une fille. Pas encore en tout cas. »

Voilà l’équation parfaitement réunie de ma vie. Mes potes, d’abord. Garçons ou filles-que-je-ne-considère-pas-comme-des-filles, tous confondus, ce sont les meilleurs. Je ne les connais pas depuis longtemps mes potes, mais je les aime. Ils m’ont aidé à avaler ma nouvelle vie sans trop de difficultés. Trop.
Les filles ensuite, genre, les vraies filles, celles qui me font rougir comme un con. Je suis nul en fille. Pire que moi en filles, en fait, ça n’existe pas. Relation sérieuse à mon actif ? Une. Oui oui, une seule. C’est pas que je veux pas, ni que je ne remarque jamais personne, au contraire. C’est juste que je ne sais pas draguer. Avec elle, la première fois, ça c’était fait tout naturellement. Sans problème, juste comme ça. Aujourd’hui, ça n’est pas exactement comme ça que ça marche. C’est maladif, j’y peux rien.
Et ma mère, ensuite. Bon là, c’est nettement moins drôle. Elle est complètement jetée, et elle m’aime parce que j’ai pas de père officiellement. Donc je suis le seul homme de sa vie, et c’est très flippant la plupart du temps d’être son fils. C’est ma tante qui est venue me chercher un jour pour me dire qu’il fallait que je m’occupe de ma mère, à des kilomètres de chez moi, de ce que je connaissais. J’ai été élevé par mes grands-parents, et je n’avais pas prévu de vivre avec elle avant d’y être obligé. Pour elle, j’ai dû tout quitter, parce qu’elle a trempé dans des histoires louches. Je préfère ne pas tout savoir, mais le jour où ma tante a réalisé qu’elle était vraiment folle, elle me l’a refilé comme le vieux jouet infecté... En bon fils, je n’ai pas tellement eu le choix. Alors je l’ai fait, j’ai tout quitté, et je me suis installé ailleurs avec elle.

« Bon d’accord. Mais un quart d’heure, pas plus… Maman ! ». Steph m’a regardé comme si je venais de lui enfoncer un couteau dans le cœur. « T’es pas sérieux ? » J’ai froncé le nez, et hoché la tête comme un con, avant de hausser une épaule pour tenter de lui faire avaler la pilule. « Juste un quart d’heure, elle passe, te dit bonjour, me balance des tonnes d’infos sur l’essence et elle repart, ensuite on va boire ce café avec tout le monde. « J’pars devant. » « Mec… » J’ai secoué la tête. « Tu dois me briffer, tu te rappelles ? » Il a sourit avec un peu de pitié dans les yeux et s’est laissé tombé dans le canapé.

Steph, c’est comme mon frère, sauf qu’il en a un peu marre de ma mère, lui. Alors forcément, quand elle doit passer encore et encore, ça le gave un peu. Mais il me briffe sur les filles – ce qui ne m’aide même pas à vrai dire. Ce soir là, Steph avait prévu de me faire rencontrer Ally, sa correspondante de je ne sais pas quel pays. Autant couper le suspens tout de suite, il ne se passera rien entre Ally et moi ce soir là, ni les autres soirs, d’ailleurs.

« Bonjour mon chéri. Stephen. » Ma mère est entrée comme une furie dans le petit appartement mal rangé. Elle a déposé un bidon d’essence ouvert sur la table basse, et a souri triomphalement « Sentez moi ça ! ». Steph m’a lancé un regard désabusé qui voulait clairement dire « Ta vie craint », avant de mettre son nez au dessus du bidon d’essence.


Un sanglot étranglé s’est échappé de ma gorge. Le sang s’étalait jusque sur mes mains, sans que je ne puisse réaliser ce qu’il s’était passé. Le médecin m’a tapoté l’épaule, l’air désolé. « Vous allez pouvoir reprendre votre vie, M. Everson. »

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