Ses longs cheveux bruns étaient remontés dans une queue de cheval mal faite. Quelques mèches avaient réussi à se frayer un chemin en dehors de l'elastique, et encadraient son visage. Elle marchait depuis plusieurs minutes sous un soleil brûlant qui tapait sur ses épaules nues, marquant le début de printemps, son bras gauche tendu vers la route, son pouce levé vers le ciel, espérant qu'une voiture s'arrête et l'amène à sa prochaine destination. Ce qui avait pu lui paraître effrayant il y a une vingtaine de mois, ne l'était plus du tout aujourd'hui. Comme faire du stop. On se savait jamais sur qui on pouvait, certes, surtout lorsqu'on était une jeune femme seule. Il fallait juste se dire que, comme tout, c'était une question de chance. Du moins, elle le voyait comme ça. Et puis, les chances de tomber sur un pervers ou un serial killer était beaucoup moins probable dans la vie que dans les films. Elle avait appris à être réaliste, sans pour autant cesser d'être vigilante. Au bout de quelques mètres, elle entendit une voiture ralentir derrière elle. Elle arqua un sourcil, n'étant pas habituée à trouver preneur ou preneuse aussi rapidement. Mais avec cette chaleur, elle n'allait pas faire la difficile et refuser. Elle tourna la tête pour se retrouver en face d'un jeune homme. «
Tu vas où ? » Elle se mordilla l'intérieur de la joue, elle n'avait pas encore réfléchi à sa prochaine destination, pensant qu'elle aurait encore plusieurs minutes ou plusieurs heures de marche avant qu'une voiture ne s'arrête. «
Et toi ? » Cassie dévisagea le garçon quelques secondes, canon il fallait l'avouer. Décidement, il semblait qu'elle avait
beaucoup de chance aujourd'hui. «
Paisley. » Un réel sourire s'afficha lorsqu'il lui annonça la ville dans laquelle elle n'avait jamais encore été. «
Va pour Paisley. » Elle monta rapidement dans sa voiture, son sourire toujours accroché sur ses lèvres grâce à cette même excitation qu'elle avait à chaque fois qu'elle s'apprêtait à changer de ville. C'était sa vie, maintenant et elle ne regrettait pas un seul instant le choix qu'elle avait eu le courage de prendre deux années auparavant.
«
Merde. »
Cassiopea regardait les wagons de son train pour Glasgow filer devant ses yeux, complètement impuissante. Le prochain train ne serait là que trois heures plus tard, et puis de toute façon ce n'est pas comme si elle avait assez d'argent pour se payer un autre billet. «
Merde. »
Elle jura à nouveau, d'une voix forte sans qu'elle ne puisse la maîtriser. Des larmes se formèrent aux coins de ses yeux mais elle se refusa de pleurer pour quelque chose d'aussi stupide. Elle soupira longuement avant d'effacer toute trace de tristesse dans ses yeux. Ses parents lui avaient coupé les vivres lorsqu'elle avait décidé de mettre une pause à ses études de lettres dont elle ne voyait pas la fin. Elle avait besoin de vivre autre chose, elle avait envie d'excursion, de liberté. Évidemment, elle avait imaginé d'autres conditions de voyage que d'avoir quelques livres en poche, ne pas savoir où dormir pour la nuit à venir, et n'avoir personne d'autre dans sa vie que les inconnus qu'elle rencontrait sur son chemin. Elle qui avait toujours vécu dans son petit monde, surprotégée par ses parents, allait gagner son autonomie de manière plutôt brutale à tout juste vingt ans et un ans. Elle allait enfin prendre sa vie en main, recommencer à zéro avec une nouvelle personnalité. Forte, indépendante, impulsive. Elle avait toujours secrètement rêvé d'une vie comme celle-ci, mais cette fois-ci elle aurait l'audace de le faire. Elle leva la tête, pris sa valise et se dirigea vers le bord d'une route à la recherche d'une voiture qui pourrait l'emmener ailleurs. N'importe où.Les yeux rivés sur la route, elle ne pouvait s'empêcher de remarquer que le regard du jeune homme se tourner vers elle. Au bout de quelques secondes, elle rompit le silence. «
Un problème? » Elle n'avait pas voulu paraître arrogante ou sur la défensive, mais depuis qu'elle était sur les routes elle avait pris cette fâcheuse habitude. «
Désolé. » «
Désolé. » Ils prononçèrent leurs excuses en écho. «
C'est juste que je suis persuadé de t'avoir déjà vu. » Elle leva les yeux au ciel. «
Pitié, ça existe encore ça comme technique de drague? » Elle laissa échapper un rire pour montrer qu'elle plaisantait, avant de se tourner vers le garçon qu'elle dévisagea à son tour, cherchant un quelconque souvenir de lui. Après tout elle avait pu le croiser durant ses périples. Elle remarqua son visage s'illuminer, prouvant qu'il avait sûrement trouver ce qu'il cherchait. «
Maternelle et école primaire à Edimbourg ? T'avais un prénom compliqué, et des cheveux beaucoup plus clairs d'ailleurs. » Elle fronça les sourcils à ses souvenirs relativement précis comparé aux siens qu'elle avait du mal à rassembler. Après quelques secondes à le dévisager encore et encore, sa mémoire lui revint. Elle avait essayé d'effacer les images d'Edimbourg, mais dès qu'elle y repensait, elle se rendait un peu plus compte à quelle point cette ville -
sa ville- lui manquait. Elle secoua la tête légèrement pour effacer cette idée. «
Cassiopea. Et tu dois être Aidan? » Il acquiesa et à nouveau un sourire s'emparra de ses lèvres. Après ces deux années à ne parler qu'à des inconnus, elle se sentait mieux rien que de pouvoir parler à un ancien camarade de classe. Elle reposa sa tête contre le dossier, et fixa ses yeux sur la route comme elle l'était précédemment... Le trajet d'une soixantaine de kilomètres avait paru relativement court. Après avoir éplucher toutes les anecdotes de leur petite enfance, jalonées de rires, ils avaient débatus sur les Beatles alors qu'il voulait changer de radio lorsqu'une de leurs chansons passaient et qu'elle s'y était formellement opposée et avaient dévié sur une conversation sur à peu près tout sauf la raison pour laquelle elle faisait du stop, seulement un sac sur le dos, et pourquoi il se trouvait à soixante kilomètres de chez lui en milieu de semaine. Elle lui en était reconnaissante, et elle savait que s'il n'avait pas abordé le sujet c'était pour ne pas qu'elle lui pose la question en retour. Un silence confortable s'était installé à l'intérieur de la voiture, avant qu'elle ne s'arrête complètement. «
Tu m'héberges? » Elle avait posé la question sans réfléchir, agissant comme toujours par impulsion. «
J'habite juste là. »